lundi 13 juin 2016

L'article 2 de la Loi Travail ; la "hiérarchie des normes" reste-t--elle pertinente en ère numérique ? [juin 2016]

Ce matin, X-Open-Innovation recevait à une conférence-déjeuner Axelle Lemaire, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, chargée du Numérique.

Compte tenu de l'actualité, on pouvait s'attendre à ce que la "Loi Travail" soit évoquée.

Au détour d'une réponse adressant le droit à la déconnexion et le télétravail, la Loi Travail [de son titre authentique : Loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s" ] a effectivement été évoquée, avec, en filigrane, la controverse autour de l'article 2 portant sur la  "hiérarchie des normes".

Mais qu’est-ce que [le principe de] la "hiérarchie des normes" ?

Voici un éclairage tiré du quotidien Le Monde  [1] : 
De manière générale, les différentes « normes »  sont organisées de manière pyramidale : la Constitution ne doit pas être contraire à un traité international signé par le pays, une loi doit être conforme à la Constitution, un contrat doit respecter la loi.
Le code du travail, lui, est régi par la loi. Les accords collectifs (de branche/secteur d’activité ou d’entreprise) ne peuvent pas être moins favorables aux salariés que ce que la loi dispose. L’accord d’entreprise ne peut pas être « moins disant » pour les salariés que l’accord de branche. Et, en dernier lieu, le contrat de travail ne peut pas être moins favorable que ce que prévoit l’accord d’entreprise.


On peut s'interroger sur la pertinence de ce principe sur des discussions entre parties prenantes portant le droit à la déconnexion et le télétravail, sujets qui pourraient être adressés  lors des "négociations annuelles sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail" prévues par la loi.

Pour se faire une idée, les textes du projet de loi -projet initial et projet adopté par l'Assemblée Nationale le 12 mai 2016)-,  sur le droit à la déconnexion et le télétravail.

Projet de loi initial
[Adaptation du droit du travail à l'ère du numérique]

Article 25 [droit à la déconnexion]
I. - L’article L. 2242-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa, les mots : « prévu au chapitre Ier du titre VIII du présent livre » sont supprimés ;


2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : [ce qui donne au final]


La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur : 
1° (....)  

6° L'exercice du droit d'expression directe et collective des salariés. 

7° Les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion dans l’utilisation des outils numériques en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congés. 

A défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés de l’entreprise. 

Dans les entreprises d’au moins trois cent salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise ou à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation des salariés à l’usage des outils numériques à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction.


Article 26 [télétravail]
Une concertation est engagée avant le 1er octobre 2016 sur le développement du télétravail et du travail à distance avec les organisations professionnelles d'employeurs et syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet.


[1] Loi travail : quelle est cette « inversion de la hiérarchie des normes » qui fait débat ? Alexandre Pouchard, Le Monde, 10.05.2016; voir également le billet sur ce site "En numérique, un nouvelle intégrité intellectuelle : une expérience directe et immédiate avec l'information sur la  Loi Travail


Projet de loi - Assemblée nationale - Texte adopté n°728, en date du 12 mai 2016 

Article 25
I. – L’article L. 2242-8 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le 6° est complété par les mots : « , notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise ; »

2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
À défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l’article L. 3121-62, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées
par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l’article L. 2242-8.

7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en oeuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »

II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.


Article 26
I. – Une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet.

Cette concertation s’appuie sur un large état des lieux faisant apparaître :
1° Le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe ;

2° La liste des métiers, par branche professionnelle, potentiellement éligibles au télétravail.
Cette concertation porte également sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait en jours, sur la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques permettant de mieux articuler la vie personnelle
et la vie professionnelle, ainsi que sur l’opportunité et, le cas échéant, les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés.
À l’issue de la concertation, un guide des bonnes pratiques est élaboré et sert de document de référence lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise.

II (nouveau). – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liée à l’utilisation des outils numériques.






Sur le site X Open Innovation, une série de billets sur l'Alliance pour l'Innovation Ouverte et la Loi pour une République Numérique

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